Contes du Soleil Noir : Invisible


Alex Jestaire, Au diable Vaubert, 2017, 128 p., 3€ epub sans DRM


Voici l'histoire d'un super SDF avec son Super Pouvoir qui lui permet de faire de Supers Conneries.
Et il fait aussi dans l'outrancier, faux pas déconner, c'est un punk à chien ! Alors il montre sa bite, son cul, ça pelote sec et ça picole dur.


Présentation de l'éditeur :

À la dérive dans les rues de Bruxelles, un SDF prend conscience qu'il est en train de devenir invisible
aux yeux des passants — réellement invisible. Facétieux, il tire parti de cette nouvelle donne en se jouant des barmen, des touristes, des policiers et des femmes...
Après Stephen King, Clive Barker ou Cronenberg, les Contes du Soleil Noir déclinent les visages de l'horreur d’aujourd’hui, matérielle, sociale, morale... une horreur de fin de civilisation.


Mon ressenti :

Les invisibles, tout le monde connait, il y en a dans toutes les villes, grandes ou petites, de France et de Navarre. Ils sont là, à tenir les murs, avinés, gueulant des orduries aux biens pensants passants près d'eux. Ils puent, ils gueulent. Bien visibles en fait, trop. Alors Monsieur et Madame Tout le Monde préfèrent se les rendre invisibles. Plus simple pour sa tranquillité et sa conscience.
Josh fait partie de ces visibles nuisibles, et à force, il en est devenu réellement invisible. Josh, c'est le parfait punk à chien, con et blasé. Alors qu'en il découvre son "super pouvoir", son soleil noir vodkaien, son monde va changer. Pas trop en fait, il reste dans sa zone de confort : alcool, médoc, provoc. Il n'a même pas l'idée de sortir de sa condition, tellement elle est ancrée dans sa peau. Il en profite seulement pour boire plus et se défoncer encore plus vite. Et surtout, quand on est Sdf, les relations affectives sont souvent à la ramasse. Alors il en profite : il touche, il palpe, il s’excite sur le corps des femmes, la morale, c'est bon pour les bourgeois ! On assiste à sa longue descente en enfer, mais comme l'enfer est sur terre, cela pourrait être, peut-être, une porte de sortie heureuse...

Les contes du soleil noir, c'est la quatrième dimension version cradingue, le black mirror de notre présent version horreur/fantastique. Ce que j'aime dans ces contes, c'est l'écriture de l'auteur, une écriture du rentre dedans sans fioritures, très visuelle. Ce style ne plaira pas à tout le monde, c'est sale, crade, rempli de stupre, mais je le prend comme un bol d'air dans cette littérature parfois un peu trop policé. Les sujets sociétaux sont abordés loin de tout politiquement correct, Alex Jestaire écrit crument. Il n'enjolive pas la réalité, son SDF est tout sauf convenant. Je ne suis normalement pas très fan de ce style, mais ici, c'est passé comme une lettre à la poste, j'avais envie de savoir comment tout cela allait se terminer. Et étrangement au vu du comportement du marginal, j'ai trouvé le personnage attachant.

Le quotidien de ces exclus est, à mon sens, bien retranscrit : des difficultés pour avoir une place dans un accueil de jour ou de nuit, ou le manque de moyens fait que son admission se joue à la loterie; les bitures et défonces qui se terminent sur le macadam, comme un chien. Mais dans toute cette noirceur, quelques exemples d'initiatives salutaires tel que ces "chambres d’amour pour les SDF". Les premières pages sont frappantes de justesse : vous moi face à un jeune sdf. Tout est dit dans une économie de mot : indifférence, manque de temps, représentation, se défausser sur les autres, bref tout ce qu'on fait ou dit pour garder bonne conscience. Et c'est tellement rare que la littérature de l'imaginaire parle des exclus, alors profitons en.


Bon j'arrête là, je ne vais pas faire une critique plus longue que cette novella et m'en vais lire le quatrième opus Audit.


Et je ne résiste pas à la tentation de vous mettre la chanson SDF de Allain Leprest, reprise ici par Les Ogres de Barback et La Rue Kétanou


 

mon avis mon avis A venir

 

Quelques citations :


Joffrey est tout entier plongé dans un grand présent, sur la crête instable de l’instantanéité – nous autres trimballons tellement de passé et de futur en permanence qu’il nous arrive rarement d’être simplement présents. Joffrey n’a rien d’autre que sa présence, à vrai dire pas grand-chose. Il les regarde passer, quelques mots fleuris aux lèvres – il se rend compte qu’il aime de moins en moins les gens – de son point de vue il est comme une vache qui regarde passer des trains, il ne se sent même plus de la même espèce. Les gens sont des trains – même pas vraiment des êtres vivants, juste des grappes qui suivent des rails d’informations, une sorte de plancton.

Lui, l’école l’a toujours mis mal à l’aise, il sentait que c’était quelque chose de potentiellement important et utile, en même temps il n’a jamais compris la règle comme quoi on ne peut pas déconner – jamais compris pourquoi l’école punit les conneries au lieu de les enseigner. « Tout le monde sait bien que c’est les plus gros connards qui s’en sortent le mieux ! »

Après il n’a eu que quelques pas à faire pour se retrouver au cœur de l’action, sur une des plus belles scènes du monde : juste devant le Manneken-Pis. Déjà c’est une statue qui montre sa bite, ça pose l’ambiance – et puis c’est un spot parfait pour se foutre de la gueule de tous ces gens qui veulent prendre des photos, des drôles, des selfies – c’est bien simple : s’ils n’ont pas un appareil photo, une caméra ou un smartphone en main, c’est qu’ils mangent une glace.

6 commentaires:

  1. J'avais lu un interview de l'auteur avant le lancement de ses contes et elle ne m'a pas inspiré du tout, le ton était "désagréable", ça ne m'a pas donné envie de lire sa prose

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    1. Si nous parlons de la même interview, je peux comprendre. En fait, l'auteur n'était pas interviewé mais c'était Mr Geek, un des personnages, le conteur, de ces différents récits; C'est assez déstabilisant.

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  2. "c'est sale, crade, rempli de stupre". Bon, comment dire?
    Je n'aime pas le trop vulgaire en littérature (ni en film d'ailleurs). La façon dont tu le présentes me semble particulièrement cru...

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    1. Vulgaire, non. Cru, assez.
      Mais cela correspond bien au personnage et au récit, donc cela ne m'a pas dérangé.
      C'est un style particulier, je pense qu'il ne plaira pas à tout le monde

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  3. J'ai vraiment hâte de commencer cette série. Et ce tome me donne particulièrement envie.

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