Interférences



Connie Willis, Bragelonne, 2017, 504 p., 13€ epub sans DRM

 

Un livre bruyant, frénétique et survolté, certes.
Un page turner efficace sans aucun doute.
Mais un roman non destiné aux amateurs de SF.

Présentation de l'éditeur : 


Dans un futur proche, une intervention cérébrale a été mise au point pour améliorer la vie de couple. Briddey se réjouit quand Trent, son petit ami, lui propose cette opération avant leurs fiançailles : ils percevront les pensées l’un de l’autre et leur lien émotionnel en sera renforcé. Or les choses ne se déroulent pas comme prévu : malgré elle, Briddey se retrouve connectée à quelqu’un d’autre. Les choses empirent quand elle découvre la propension étrange de sa famille à s’immiscer dans ses pensées... Briddey prend alors conscience des risques d’un excès d’informations. Elle comprend que l’amour – et la communication – s’avèrent bien plus complexes qu’elle ne l’imaginait...

Mon ressenti :

Une nouveauté biomédicale fait son apparition : il est désormais possible de renforcer le lien empathique entre deux amoureux via une intervention chirurgicale. Les deux tourtereaux peuvent dès lors connaitre intimement leurs émotions.
Un pitch qui m'a laissé assez dubitatif car cela ressemble étrangement à de la chick lit, la couverture renforçant mon impression.
Mais le résumé a aussi un petit goût de la série Black mirror et j'ai pu bénéficier de ce livre via un service de presse. Et l'auteure derrière ce roman n'est autre que Connie Willis, une petite dame qui a gagné onze fois le prix Hugo, sept fois le prix Nebula et douze fois le prix Locus excusez du peu. D'elle, j'avais déjà lu Sans parler du chien qui m'avait emballé et son diptyque Blitz dont j'ai lu le dernier opus en diagonale ! Alors...

On entre dans le livre en pleine furie : des personnages en veux tu en voilà, des dialogues sans interruption. Bref, on est dans le bain de suite pour dénoncer le trop de communication.
Cela rend bien l'idée d'un des maux du siècle : entre les sms, les coup de fils, facebook, twitter, difficile d'avoir un peu d'intimité. La personnage principale est prise dans un engrenage de choix, de décisions, de tentatives d’échappatoires entre son travail et une famille pour le moins invasive. Le lecteur entre dans l'histoire rapidement, mais on est sur les rotules.
L'immersion est d'autant plus forte que l'auteure parsème son récit de banalités de notre quotidien comme ce chirurgien qui tapote le lit du patient avant de partir. Dès le début, l'auteure nous indique que l'amour entre les deux protagonistes est fondé sur des bases assez meubles. On a envie de connaitre le fin mot de l'histoire, les pages se tournent très rapidement. Le récit, bien que "sérieux", est ponctué de touches d'humour, c'est ce que j'ai le plus apprécié.

Cependant,
Les dialogues participent certes au rendu, mais trop c'est trop, le livre étant composé essentiellement de dialogues. Résultat, j'étais épuisé à la fin de ma lecture. Ajouter qu'aucun personnage ne dort plus de 3 heures par nuit, vous êtes rincé.
En outre, l'action se déroule sur quelques jours seulement, rendant peu vraisemblable certaines choses, tel cet apprentissage express pour contrer les voix télépathiques.
L'auteure a fait le choix d'ancrer son récit dans le réel et dans le présent, mais ici ça coince. Elle cite des people abonnés aux pages Voici, comme Brad et Angelina qui ont fait l'opération. Pas de bol, l'actualité nous a tristement apprit (j'en pleure encore) que leur histoire était terminée. Un des écueils du réel... Le résumé parle d'un futur proche, mais au vue du nom des people et des marques, j'avais plus l'impression d'être dans notre présent. Dès lors, difficile de croire à la possibilité d'un lien empathique chirurgical.
Pour finir, l'auteure tire à la ligne assez régulièrement, les révélations sont sans cessent repousser aux calendes grecques du fait de l'irruption d'un personnage ou d'un coup de téléphone. cela arrive régulièrement et m'a très vite énervé.
La romance n'est pas trop présente, mais l'happy end que l'on voit venir depuis le début est bien sûr de la partie

Connie Willis, c'est la SF pour tout public. Les explications scientifiques, même si fondées historiquement, sont reléguées à la portion congrue et/ou relèvent de la suspension de l'incrédulité à son apogée. Bref, à réserver aux lecteurs aimant le style dialoguiste de l'auteure, et à ceux qui voudraient s'interroger, brièvement, sur la thématique de la communication
Bref, pas un roman pour moi, ni pour les amateurs de SF, mais cela se lit toutefois vite et bien.


Roman chroniqué dans le cadre d'un service de presse.

Quelques citations : 

Plus de communication. Mais ce n’est pas ce que les gens veulent ! Ils sont déjà bien trop sollicités : ordinateurs portables, smartphones, tablettes, réseaux sociaux… Ils sont connectés en permanence. Et, tu sais, en ce qui concerne les relations amoureuses, être trop connecté peut poser un problème. Les amoureux ont besoin de communiquer moins, et non davantage.
— N’importe quoi.
— On parie ? Dans ce cas, pourquoi chaque fois qu’on dit : « Il faut qu’on parle », ça se finit mal ? Toute l’histoire de l’évolution est fondée sur nos efforts pour empêcher la transmission d’informations : camouflage, homochromie, encre projetée par les pieuvres, mots de passe cryptés, secrets d’entreprise, mensonges. Oui, le mensonge, surtout. Si les gens voulaient réellement communiquer, ils diraient la vérité, mais ils ne le font pas.


Ce téléphone te prévient donc quand ton ex ou ton patron appelle…
Ou ma famille, songea-t-elle.
— … et te propose toutes sortes d’options. Tu peux bloquer l’appel et renvoyer un message à ton interlocuteur disant : « Votre appel ne peut aboutir. » J’ai appelé cette fonction la « ZoneMorte ». Ou tu peux choisir d’être coupée après deux phrases. Ou encore, si tu détestes vraiment la personne, tu peux avoir recours à la fonction « Blackbouler », qui renvoie automatiquement l’appel au service des cartes grises, ou au menu d’accueil de Commspan : « Tapez “1” si vous souhaitez parler à quelqu’un qui ne saura absolument pas vous renseigner. Tapez “2” si vous voulez rester là toute la journée à vous demander sur quel bouton appuyer. » (Il cliqua pour faire apparaître une nouvelle fenêtre.) Quant à cette fonction, que j’ai baptisée « l’appli SOS », elle permet, en touchant discrètement le côté du téléphone, de le faire sonner. Ainsi, tu peux prétendre qu’on cherche à te joindre et que tu dois prendre cet appel.
— J’ai appelé ce modèle de téléphone « le Sanctuaire »
[...]
— J’ai trouvé d’autres idées pour le Sanctuaire, reprit-il.Comme une appli qui permet, quand les gens t’envoient des photos de leur bébé ou de leur chat intolérablement mignon, de les faire disparaître.

12 commentaires:

  1. Je passe mon tour, en tout cas ils assument le parasitage de l'affiche du film La La Land! :D

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    1. Je n'avais pas remarqué pour la couverture. En même temps, je ne me suis guère attardé sur la sortie du film

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  2. J'avais peur d'un roman un peu trop "gentillet", d'un livre avec trop de bla-bla, d''une histoire aux bonnes idées mais pas traité comme je l'aimerais... Je crois que j'avais vu juste !
    Je vais donc faire l'impasse sur ce coup là... à moins que d'autres chroniques des blogopotes me fassent changer d'avis ;-)

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  3. J'avais adoré ce que j'ai lu d'elle (les mêmes que tu cites) mais le sujet de celui-ci ne m'attirait pas (pas plus que cette couv') et ton avis confirmes que je ferais mieux de passer mon chemin.

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    1. Ma curiosité m'a puni.
      Reste donc sur tes bons souvenir de lecture.

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  4. Sans moi, rien que la couv' et le résumé...

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    1. Je me décarcasse à chroniquer un livre et personne ne veut le lire. Pas cool.

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  5. Connie Willis c'est la reine des pages de dialogues survoltés. J'adore ses romans mais des fois on s'y perd un peu. Je lirais probablement celui-là même si je note quelques réserves.
    Tu as lu Sans parler du chien ?

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    1. J'avais lu et apprécié Sans parler du chien. Dans le même univers, Blitz m'avait paru très long, beaucoup trop de dialogues et de péripéties à mon goût.
      Dommage car on sent que la dame sait écrire, mais cela reste bien trop dilué.

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  6. L'affiche de Lalaland m'avait déjà vraiment douchée.
    Mais si le livre parvient à te fatigué en moins de 3 heures... cela ne m'inspire pas bien plus. Je ne pense donc pas faire partie du public cible comme tu le recommandes (ou décommandes).

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    1. La fatigue fait partie de l'immersion, mais j'ai trouvé que sur la durée, l'intrigue devenait trop invraisemblable. A mon sens, une intrigue sur quelques mois aurait plus réaliste.
      Si tu aimes la chick lit, tu pourrais apprécier, sinon lis Sans parler du chien.

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